Le Siècle des ateliers pédagogiques
Le maître était assis, pensif, tout près du fleuve ;
Dans sa tête courrait quelque invention neuve.
Sous le placide flot, il cherchait du regard
Un poisson, un serpent, une plante épanouie,
Une idée à broder sur sa philosophie
Pour guider l'étudiant à la façon d'un phare.
Côtoyant le vieillard, un disciple emprunté
Observait de concert, d'un œil éberlué,
Concentré, dévoué, mimant la perfection ;
Mais ne voyait que l'eau et ses bleus habitants
Sans en tirer un mot qui fut intelligent.
Il osa par trois fois poser une question :
« ─ Qu'épiez-vous enfin dans ces remous obtus ?
Depuis le petit jour, nous y sommes perclus ;
Et je n'ai rien trouvé qu'un canard agressif
Qui s'est jeté sur moi par une obscure haine,
M'a pourchassé sans fin, m'a tout becqueté l'aine,
Et puis s'est envolé en cancans agressifs.
─ Jeune, et par conséquent, incompétent élève,
J'y cherche des idées, comme le doit sans trêve
L'instructeur attentif de nouvelles époques.
─ Mais pourquoi cherchez-vous à comprendre le monde ?
─ Parce qu'il est infect, grossier et immonde ;
Contre lui, la clarté : voilà le plus beau troc !
Ils nous faut enseigner, retrousser les paupières,
Forcer à échanger contre l'heur de lumière
Les moments caverneux, et sales, et corrompus
Dont on s'abreuve, idiots, comme d'une eau croupie.
Tu seras maître un jour, et comme je le fis
Tu nourriras l'esprit de disciples perdus. »
L'enfant resta soucieux, le front creusé de rides.
« ─ Ce sévère portrait est pour moi trop acide.
À quoi servent-ils donc, vos écrits, vos efforts,
Ces discours logiciens que nous comprenons peu
S'il faut toute une vie pour délier nos yeux ?
L'homme, dans deux mille ans, y échouera encore ! »
Le maître contempla son visage anxieux,
Et avec un soupir, il désigna les cieux.
« ─ Je veux vous modeler en hommes de raison.
Un jour viendra où tous seront alertes et sages ;
Un jour où la pensée sera partout d'usage.
Aristote, crois-moi. » Ainsi parlait Platon.
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