Cela fait —trop— longtemps Je brode aujourd'hui autour d'un personnage bien connu d'un certain dramaturge du XXème siècle. Saurez-vous le repérer dans ces fines allusions ?
Bonne lecture !
Bonne lecture !
Je suis sorti me dégourdir les jambes pour la pause
déjeuner. Il fait une chaleur insupportable dans les locaux de la
banque, mais dehors une légère brise court les rues. La ville suante
sous l'été accueille avec un soupir d'aise ce moment de fraîcheur. Je
passe à la boulangerie du coin m'acheter un feuilleté au chèvre, puis je
suis vais le manger dans le petit parc, juste en face des locaux de mon
administration. Il est agréable d'avoir un peu d'espaces verts dans le
cadre urbain. Après une journée passée à entrer des données bancaires,
j'aime aller m'y promener quelques minutes. Les odeurs de végétation y
sont douces. Je m'assieds sur un banc de pierre et entame mon en-cas.
Distraitement, je parcours les alentours du regard. Quelques enfants
jouent là-bas sous l’œil vigilant de leurs mères, et un joggeur passe
dans un sillage de musique et de halètements. Sur un banc, de l'autre
côté de l'allée, une petite dame est assise. Au moins la soixantaine,
vêtue d'une robe d'été bleu et blanc épaules nues et d'un chapeau à
fleurs piqué de grandes épingles. Collier de perles et bras
grassouillets, teint passé et grand sourire. Elle a posé à sa gauche un
de ces grands sacs rigides qui s'ouvrent comme un panier, et à sa droite
une ombrelle avec une poignée bec-de-cane.
Je termine mon feuilleté et m'allonge, heureux. La digestion
combinée aux doux rayons du soleil qui passent entre les feuillages me
convainc de prendre un peu de repos. Il me reste encore vingt minutes
avant de retourner travailler. Bien qu'il puisse sembler excitant d'être
employé dans un bâtiment regorgeant de liquidités et divers sacs de
monnaie, le travail de bureau est le même partout. Des chiffres, des
chiffres, encore des chiffres. Parfois, une petite note à rédiger, court
répit créatif dans la danse abrutissante de la comptabilité.
La petite vieille farfouille dans son sac avec application.
Je chasse les miettes prises dans ma moustache et l'examine, paupières
mi-closes. Elle brandit soudain un petit miroir ouvragé absolument
splendide et, s'y contemplant, inspecte soigneusement ses gencives. Ce
petit jeu dure quelque temps avant qu'elle ne soit satisfaite. Elle
ouvre derechef son bagage et en sort cette fois-ci un flacon brillant.
Je ne peux m'empêcher d’ouvrir tout à fait les yeux pour l'examiner. Il
semble en cristal et son bouchon est ciselé dans une forme complexe et
fluide. Le liquide rouge qu'il contient jette des reflets pourprés dans
les plis de l'objet. C'est comme si elle tenait un rubis rutilant au
creux de sa main. Elle le débouche et vide son contenu d'un trait,
avalant par là même l'éclat flamboyant. Toujours de son sac, elle tire
un mouchoir et se tamponne précautionneusement la bouche avant de se
passer un bâton de rouge sur les lèvres. Enfin, elle s’appuie sur son
dossier et contemple le ciel.
Je m'interroge sur son origine. D'où vient-elle ? Que
fait-elle ici ? Pourquoi une personne si raffinée vient-elle se promener
dans ce quartier d'affaires ? J'ai ma réponse lorsqu'elle plonge une
dernière fois dans son sac pour y prendre un Mossberg Brownie
semi-automatique de calibre 22. Puis elle soupire : « Oh le beau jour
encore que ça aura été, encore un » , se lève, et se dirige vers les
locaux de la banque.
Salut Tristan !
RépondreSupprimerJ'étais un peu sceptique en commençant à lire ton billet : j'avais l'impression de sentir que tes mots étaient pesés, sciemment choisis pour leur signification exacte.
Et puis je me suis sentie embarquée dans cette petite histoire ! La petite vieille m'a beaucoup plue et je trouve que tu rends bien le jeu de l'observation de ton personnage ! J'aime beaucoup la fin qui se conclut mystérieusement, au lieu de clore l'épisode, on a l'impression que l'action se poursuit ! J'ai bien cet effet :-)
En tous cas, je trouve que ton blog est une excellente initiative !
Au plaisir de repasser par là ;-)
Emilie
Salut Émilie !
SupprimerJe ne réponds que maintenant parce que je ne l'avais pas remarqué. -_-
Ce blog est peut-être une excellente initiative, mais j'ai dû mal à l'employer. Son maniement ne m'est pas vraiment agréable. En attendant de trouver un support plus à même de répondre à mes attentes, je continue de publier sporadiquement de petits textes sur ce fil. Merci de ta lecture.
Effectivement, je pèse parfois mes mots TRÈS soigneusement. Peut-être trop. Certains sont gênés par cet aspect presque clinique. En ce qui concerne ton ressenti sur ma petite histoire, ça me fait très plaisir ! Je me suis amusé à brosser une petite scène quotidienne puis à la détourner innocemment. Content que ça t'ai plu !
Au plaisir !